Extraits de la revue n°10 sur le corps amoureux

lundi 24 février 2014

Nos os, extrait du texte d’Isabelle Pariente-Butterlin

[Nos os]

Nos os craquent / craquements de nos os. Nos os au pluriel, c’est-à-dire notre squelette, ce qui nous tient, la structure de nous qui nous fiche debout, nous plante, nous debout sur le monde, à la surface du monde, nous tenant à rien d’autre qu’à l’intégralité de notre squelette. Branloire pérenne.Nos os au pluriel, fragiles et incertains, émettent au pluriel de multiples craquements des craquements multiples, démultipliés et les échos dans la nuque s’insinuent en nous. Nous traversent. Nous, fragiles et incertains. Comme tout le monde. Nous, comme tout le monde, inutiles et incertains. Rien de plus, au fond, rien qui doive nous déstabiliser. L’accord dans sa dimension grammaticale ne rassure pas ne saurait pas rassurer n’a rien de rassurant. L’accord, si c’en est un. N’a rien de très. Rassurant. Il n’y a pas d’harmonie dans la dysharmonie. En réponse aux. Craquements du monde, nos os craquent. Le monde est. Fracas fracassé. N’est plus que. Rien d’harmonieux. Dieux non, rien. Rien d’harmonieux. C’est fracassant. Le monde est fracassé et nos os volent en éclats dans le monde fracassé. Se démultiplient. Nos os se défont. Notre substance se perd. Se fissurent. Se scinde. S’émiettent. Déperdition de nous. De soi. Nos os se réduisent. À n’être plus ne sont plus bientôt ne seraient autres que. Rien.

[revêtus]

Il est possible de se couvrir. Se cacher. Se travestir. Se mentir. Se sublimer. Se déguiser. Nous ne faisons rien, les étoffes font tout. Nous couverts, travestis, mensongers, nous sublimés, déguisés. Et pourtant, en tête, cette phrase de pur amour : ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid.

nous, revêtus dévêtus : la nudité des corps est-elle autre chose que celle des âmes et sinon qu’est-ce que ça change ? nous, revêtus dévêtus et le noir la pénombre la clarté la lumière le jour la nuit qu’est-ce que ça change, qu’est-ce que ça peut bien faire ? nous, revêtus dévêtus de quoi nous défaisons-nous ? de quoi nous dépouillons-nous ? quelle âme nous est rendue alors qu’on ne sait pas être avant de la vivre ? nous, revêtus dévêtus, et nous, toujours, nous, rien que, rien d’autre, dans notre fragilité essentielle que rien ne parvient à effacer. Aucune caresse.
Et au centre de nous, toute fragilité. Essentielle. Intacte. La palpitation du cœur. Essentielle. Intacte. Au centre de tout. Battement du cœur. Battements palpitation le rythme battant palpitant de nos corps de nos cœurs de la vie en nous. Palpitation obstinée de nos cœurs. Obstinés.

Au hasard des rencontres, extrait du texte d’Élias Jabre

expérimentation au point ultime, c’est pour cette aventure qu’elle est venue, l’ennemi ne m’a jamais tant montré qu’il n’existait pas en occupant tous les interstices. on se rencontre, on s’appareille, comme deux vêtements issus de pays lointains, made in China et Mexico, deux vêtements jaunes vifs qui crapahutent et suivent les flux de marchandise, transporteurs italiens ou sénégalais, aboutissant au port de New York et de Buenos Aires, deux vêtements jaunes vifs qui finissent par s’associer, instant de grâce qui paralyse le chaos. deux vêtements jaunes vifs finissent par s’associer sur le corps de cette fille qui porte ces deux vêtements jaunes vifs qui crapahutent en parallèle à nos deux errances. deux ? certainement pas. nos errances sont à ce point débordement qu’il n’y a rencontres qu’entre des spectres, autrement dit apparition. deux spectres prennent consistance un court instant dans une apparition, puis retournent aux parenthèses, remplacées par d’autres spectres qui consisteront et s’évanouiront à leur tour.

Premiers extraits de la revue à découvrir sur les blogs de Brigitte Célérier et de François Matton.


Voir en ligne : La revue d’ici là n°10 à télécharger sur Publie.net

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