Amandine Alessandra, Léa Chevrier et Michel Falempin dans d’ici là n°6

jeudi 12 juin 2014

Tous les numéros de la revue d’ici là à 1,99€ du 4 au 30 juin

Dans le cadre de la promotion sur les numéros de la revue d’ici là, proposés à 1,99€ sur publie.net, du 4 au 30 juin, nous sommes heureux de vous proposer ces différents numéros de la revue en mettant tour à tour l’accent sur un extrait, un portfolio d’images, tout en vous présentant son auteur.

Le sixième numéro de la revue d’ici là est consacré à la création :

L’immobilité de celui qui écrit met le monde en mouvement.

L’immobilité de celui qui écrit met le monde en mouvement.

C’est dans la mesure même où l’on est arrêté dans une immobilité voyeuse que les choses sont mobiles. La pensée aussi n’existe que par rapport à un arrêt qui est un blanc. Joël Bousquet a écrit : ce paralytique a fait un trou dans l’espace. Écrire, c’est faire ce trou dans l’espace. Tout part de l’immobilité, de ce travail corporel. Le funambule a le même problème, il tente de réunir le mouvement et l’arrêt, de trouver le juste équilibre entre eux. La table de l’écrivain est mentale, c’est une façon de savoir s’arrêter, de commencer en sachant qu’il n’y a aucune origine. Écrire est un métier d’ignorance.

le silence est une forme

La poésie entière est préposition, Claude Royet-Journoud, éditions Éric Pesty.

Aujourd’hui, la création sous toutes ses formes avec la série photographique d’Amandine Alessandra, le texte Le passager hors de lui, de Michel Falempin, et la mise en page inventive du début de "Détruire, dit-elle de Marguerite Duras, par Léa Chevrier, dans ce sixième numéro de la revue :

Le passager hors de lui

Le silence ?

Il eût été aberrant de n’avoir sacrifié à la politesse que les quelques mots d’une platitude laudative ou, moins encore, d’avoir manifesté, par de simples bruits de bouche, un peu agréable mépris de la parole articulée devant chaque objet offert à l’émerveillement tout au long d’un périple qui n’avait eu que ses caprices et ses détours en commun avec un fleuve que, d’autre part et toute fantaisie satisfaite, il avait remonté ; il eût été au moins paradoxal d’être resté, le plus souvent, sans voix devant maintes curiosités historiques et naturelles en n’escomptant le salut que d’une interprétation excessivement bienveillante (ou si singulièrement narcissique qu’elle empêchât de poindre, chez celle qui parlait, le soupçon que la réalité, pour intéressante qu’elle fût, pût parfois épouvanter) selon laquelle suffoquait uniquement la joie et non la violence faite à une essentielle incuriosité dont se trouvait seule exclue la question que le passager, sans insulte, ne pouvait poser de sa présence ici et, par delà cette muflerie tue, celle de son être propre, puisqu’à cette abomination il ne parvenait pas à se soustraire qu’il était, lui — le gouvernement si longtemps invisible —, le rebut de quelqu’un d’autre, lequel ne laissait pas toutefois et à son tour, de le hanter ; surtout, il eût été invraisemblable et donc scandaleux (cette dernière accusation, la plus grave dès lors que, malgré certaines apparences, un conte de fée n’est en rien le milieu, si l’on veut naturel, où, parmi ses semblables, un couple évolue qui traverse simplement un fleuve charriant lui-même force déchets, sur une assez vaste, insubmersible et toute pratique embarcation) que l’usage de la parole fût par l’un recouvré totalement dans une circonstance où il est convenu de le perdre.
Aussi, sur-le-champ à tout le moins, il n’en fut rien mais non sans que le silence ne connût un notable infléchissement de sa portée affective : au lieu, en effet, qu’il fût à charge de qui jusque là s’y terrait, une conjonction nouvelle le rendit tout ensemble fatal et innocent.
Preuve en soit qu’il fut alors partagé.
C’est qu’à nul commentaire il ne fallait ajouter la courtoisie affolée d’une interrogation, si distraite fût-elle, là où il n’était plus d’objet dont fussent assez nets les contours pour souffrir qu’au moins l’on nommât ce qu’ils circonscrivaient.

Tout ravissement, qui l’évoque est aussitôt confronté à de l’indescriptible.
Prétendre, cette émotion, s’il s’agit de soi, la représenter dans l’instant même qu’elle bouleverse, c’est, par la distance même que, pour y réussir, cela suppose, l’abolir ou sinon balbutier (alors il en résulte, au mieux, qui n’a de valeur que pour son sujet — qu’il s’en souvienne ! —, une relique) et si d’autrui, se livrer à un feint désordre verbal, au halètement indiscret d’une ponctuation expressive et, moins le chant, proche le ridicule. Quant à y revenir de sens rassis pour la mimer, l’activité en est moralement douteuse sinon impie qui ose contrefaire par quelque idole verbale une grâce ou, au moins, un bel hasard. Aussi, tout au plus, pourrait-on, de tel transitoire état d’une âme, elle-même hypothétique ou facultative, dire qu’il est comparable et, en l’espèce, à certains modes de transport, tout prosaïques au reste, il n’importe, et surtout utiles strictement quand, même de façon éphémère, de la terre ferme, non sans lenteur ni routine, à heures fixes, ils détachent.
C’était cet éloignement tranquille que l’on pouvait évoquer, sans verser dans l’excès expressif, cette traversée brève d’un bord du monde à l’autre, encore que telle hyperbole obtînt sa légitimité du seul changement que pour une contrefaçon, jusque là, de spectre, il en résulta. La passivité, à laquelle soumettait ce genre nouveau de déplacement, joua sa partie dans cette révolution légère de ce qu’elle permettait que, de l’extérieur, sans qu’on l’y allât quérir librement, quelque chose, sur soi, descendît et qui ne fut pas insignifiant.
Cependant une précision comique ne doit pas être tue qui, à la raison lumineuse d’un silence désormais partagé ajouta cela de contradictoire qui justifiait que, sur ce silence, exactement, l’on se fût d’emblée interrogé : le vacarme de la machinerie proscrivait, à moins de vociférer, tout dialogue. A ce momentané dédain de la parole, donc, deux raisons : l’éblouissement empêchant que l’on trouve à dire quoi que ce soit d’un monde dérobé par la lumière, le bruit des machines qu’on s’entende.
Une extase c’est comme traverser, un jour d’été et que le temps est clair, un grand fleuve sur une embarcation tonitruante à fond plat.

Sommaire du numéro :

Amandine Alessandra, Gilles Amalvi, Joël Baqué, Nicolas Baudouin, Dominique Balaÿ (Macrosillons), Michel Brosseau, Daniel Cabanis, Nicolas Carras, Léa Chevrier, David Christoffel, Charles Dionne, Pascal Dolemieux, Michèle Dujardin, Claude Favre, Jean-Yves Fick, Bruno Fern, Joffrey Ferry, Emmanuelle Gabory, Hervé Gasser, Christophe Grossi, Maryse Hache, Laurent Herrou, Louise Imagine, Christine Jeanney, Dennis Jones, Nadine Manzagol, Christophe Marchand-Kiss, Laurent Margantin, Pierre Ménard, Claire Anne Menaucourt, Juliette Mézenc, Laure Morali, Antoine Moreau, Sandra Moussempès, Sylvie Nève, Grégory Noirot, Jean-Noël Orengo, Jérôme Orsoni, Isabelle Pariente-Butterlin, Perrine en morceaux, Philippe Rahmy, Mathieu Rivat, Loïc Robin, Alain Robinet, André Rougier, Claude Royet-Journoud, Anne Savelli, Rita Scaglia, Joachim Séné, Martine Sonnet, Nicolas Tardy, Michaël Trahan, Véronique Vassiliou, Benoît Vincent, Voxfazer.

58 auteurs / 209 pages

Amandine Alessandra ouvre son studio indépendant à Londres en 2009, après des études à l’Université d’Aix-en-Provence puis au London College of Communication. Elle compte l’Université des Arts de Londres, Euro RSCG, DesignMarketo et Selfridges parmi ses clients et collaborateurs, et contribue régulierement aux publications de Rotovision (UK), Gestalten Verlag (Allemagne), Rational Beauty (Etats-Unis), Sandu publishing (Chine), et Étapes Graphiques (France). En prenant en compte le contexte de diffusion d’un message, sa pratique est une recherche d’alternatives ludiques à la communication imprimée ou sur écran, souvent au travers d’installations et de performances typographiques.

Léa Chevrier : Pour questionner la retranscription graphique de l’oralité présente dans l’écriture de Marguerite Duras, Léa Chevrier a choisi plusieurs textes, extraits de différents livres de l’auteur. Ce premier passage de Détruire dit-elle porte toute la difficulté de la conversation pour les personnages, la tension déjà présente. Les expériences graphiques mises en place illustrent le mode conversationnel si particulier et si minimaliste, propre à Marguerite Duras. Léa Chevrier a reçu le Diplôme National Supérieur d’Expressions Plastiques à l’Institut d’Arts Visuels d’Orléans avec les félicitations du jury en juin 2010. Ce travail est extrait du projet réalisé pour son diplôme.

Michel Falempin est un écrivain français né à Paris en 1945. Il a obtenu le Prix Fénéon en 1976 pour son livre L’Écrit fait masse (éd. Flammarion).

Son œuvre est notamment influencée par Stéphane Mallarmé et les avant-gardes dont Michel Falempin est issu. Faux airs, a été diffusé sur Publie.net. Il a participé aux numéros de la revue d’ici là n°2, d’ici là n°5 et d’ici là n°6.


Voir en ligne : Revue d’ici là n°6

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