Philippe Rahmy publie Béton armé

dimanche 15 septembre 2013, par Benoît Vincent, Liminaire, Philippe Rahmy, Sébastien Rongier

Philippe Rahmy vient de publier Béton armé à la Table Ronde

« On reconnaît une œuvre à sa capacité de renouvellement de continuité, écrit justement Sébastien Rongier sur son sitesa capacité de nourrir les livres les uns les autres. Les précédents livres de Philippe Rahmy nous plongeaient au cœur de la douleur.

La douleur n’est pas le cœur de Béton armé. Elle serait une ligne de basse continue. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu Mouvement par la fin et Demeure le corps (tous parus aux éditions Cheyne) pour découvrir Béton armé qui parait en septembre 2013 aux éditions de La Table ronde ; mais leur connaissance peut éclairer certains aspects sous-tendus, induits, passés (presque) sous-silence. Car Béton armé est le livre en miroir des précédents. L’expérience littéraire de Shanghai est une plongée non pas dans la douleur mais dans ses racines. Le livre est une généalogie, non pas de la douleur, mais de ses origines. La traversée de Shanghai est celle des Enfers, la géographie qui structure la narration de Béton armé mériterait une lecture parallèle de Virgile. La lecture de l’Enéide permet d’établir une carte très précise des Enfers archaïques. »


Philippe Rahmy - Béton armé par Librairie_Mollat

« Une poussière bleue couvre la nuit ajourée de néons. On dirait qu’il neige. Les inscriptions sur les murs, les visages, tout ce qui tranche, tout ce qui heurte, est enveloppé de douceur. On respire un air familier. L’air des Alpes. on croit reconnaître la voix de quelqu’un dans une conversation attrapée au vol. la ville correspond à l’idée que je me fais de la vie antérieure. Une mélancolie humanise le délire urbain.

Brutalement, le vent met fin à ce simulacre d’hiver. Poussière, sable, papiers, sacs en plastique, tourbillons sur tourbillons.

Les voies rapides, aux pylônes rectangulaires et plats, sans tags ou affiches, abritent des charrettes massées autour de bidons en feu. Un lierre à feuilles brunes colonise les lampadaires. Il y a beaucoup de monde. Epiciers-mécaniciens-chiffoniiers-ferrailleurs, tout en un. Quand ils ne sont pas debout, il s’accroupissent sur leurs talons. Ils ont les yeux levés vers l’autoroute. Ils pensent à leur avenir. Des gerbes d’étincelles s’élèvent jusqu’au pont qui mène au centre-ville. Il est blanc. Il brille. Ici, vers ces braséros, à deux pas de l’école de Droit, des étudiants et leurs familles se partagent de grands cartons adossés à la grille du campus. Ils forment une muraille. avec la poussière, on dirait des pachydermes en train de dormir. Ils ne sont pas agressifs, mais la violence est palpable. Leurs visages sont pâles, pétris d’une acuité prédatrice, striés d’ombre, éclatants de force et de santé. Une fille à talons aiguille Swarovski remonte de bidon-ville qui mute en quartier chic, juste là, entre un Starbucks et une librairie. Sas pas suivent le rythme hésitant de la pluie. »

Extrait du livre Béton armé, de Philippe Rahmy, La Table Ronde, 2003, pp144-145.

« Le livre superpose la visite de la ville, écrit Benoit Vincent sur son site, et les paysages et scènes qui s’y déroulent (« Ils façonnent un monde dont celui-ci est l’ébauche »), des souvenirs plus ou moins anciens et le condensé de ces deux voix sous la forme d’une réflexion sur l’écriture. Ce livre très dense se lit d’une traite ; les paragraphes s’enchaînent. Il s’apparenterait à un genre dont on ne connaît pas beaucoup d’exemples équivalents, sinon peut-être le récent Paradis entre les jambes de Nicole Caligaris. En quoi l’écriture s’interpose comme mystique ou comme éthique entre la singularité du sujet et la rugosité exubérante du monde. »

Philippe Rahmy a participé à deux reprises à la revue d’ici là depuis sa création, il était dans le premier numéro qui cherchait à interroger l’habituel avec Georges Perec : « Nous dormons notre vie d’un sommeil sans rêves. Mais où est-elle notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ? »

Et dans le numéro 6 dont le thème était L’immobilité de celui qui écrit met le monde en mouvement (encore le corps, encore l’espace, avec l’écriture indissociable), Philippe m’avait envoyé une magnifique et troublante photographie de son séjour à Shanghai.

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